L’ABC de l’alimentation autonome

 

Introduction

Bien que plusieurs parents soient au courant que l’introduction des aliments solides se fasse autour de 6 mois, peu osent encore adopter l’alimentation autonome. On la nomme aussi « diversification alimentaire menée par l’enfant » (DME). Cette façon de proposer des aliments au bébé implique de le laisser explorer par lui-même de très gros morceaux d’aliments, sans que le parent n’introduise de cuillère dans sa bouche!  Par exemple, au lieu de lui offrir de la purée d’avocat, dès 6 mois, vous pourriez lui proposer une tranche d’avocat bien mûr qu’il écrasera dans sa bouche à l’aide de sa langue et de ses gencives. Étonnant, n’est-ce pas ?

Mais vous serez encore plus abasourdi de constater que dès 6 mois, votre bébé peut se délecter de cubes de tofu soyeux, ou encore, de filets de sardine ! Évidemment, il ne s’agit pas ici d’offrir à bébé des aliments que maman et papa mangent aux repas (du moins, pas au tout début…) Il faut tout de même privilégier des aliments non-transformés, sans sel ou sucre ajouté. Rien ne vous empêche toutefois d’assaisonner des patates douces rôties avec de l’origan séché ou un œuf avec du cari moulu. Mais il faudra attendre un peu avant de lui présenter une pointe de pizza maison !

L’alimentation autonome a toujours un peu existé. Certains bébés mangent des purées un peu avant 6 mois, mais rapidement, le parent s’aperçoit que son poupon souhaite manipuler les aliments entiers qui se retrouvent dans l’assiette de papa ou maman ! Pour plusieurs professionnels du domaine, c’est l’infirmière d’Angleterre Gill Rapley qui a nommé le concept et écrit un premier livre à ce sujet au début des années 2000. Depuis, elle en a fait plusieurs adeptes et certains parents choisissent d’emblée de pratiquer cette méthode pour son côté pratico-pratique, mais surtout, parce que plusieurs avantages au niveau du développement global de l’enfant semblent en découler.

Les pours (et les contres…)

Les avantages de la DME se situent beaucoup dans les apprentissages multiples que fera bébé, tant au niveau de sa motricité que de son expérience avec la nourriture. En effet, au tout début, bébé ne sera peut-être pas porté à manger les aliments, mais plutôt à jouer avec eux. Le fait de les manipuler constitue une expérience sensorielle et motrice extrêmement enrichissante pour lui. Mais vous voyez vite venir le côté négatif de la chose : les dégâts ! Comme les parents ne contrôlent pas les entrées de nourriture avec une cuillère dans la bouche du nourrisson, il est tout à fait légitime que des morceaux se ramassent un peu partout sur le bébé… et le plancher ! En revanche, puisque votre petit amour est en mesure de contrôler ses apports alimentaires, il apprend à manger à sa faim, un autre bel avantage pour sa santé à long terme.

 

Les avantages de la DME Les inconvénients de la DME
Bébé découvre et explore les aliments sous leur forme réelle, laissant présager qu’il sera moins difficile par la suite Le fait de laisser bébé explorer les aliments génère beaucoup de dégâts (il faut bien s’équiper… et s’armer de patience!)

 

 
Il apprend à gérer lui-même la quantité d’aliments dont il a besoin Comme les parents sont moins habitués à cette méthode, au début, il y a souvent un plus grand stress et des peurs reliées aux étouffements (voir section « La question des étouffements » plus loin)

 

 
Il explore diverses textures et s’habitue à ces dernières, ce qui porte à croire qu’il sera plus ouvert à la découverte de nouveautés par la suite On peut être porté à offrir des aliments plus transformés à bébé (par exemple, au resto sur la route…) alors que ces derniers devraient être le plus « naturel » possible ou entièrement préparés à la maison.

 

 
Il apprend à développer sa motricité fine C’est une méthode qui peut être contre-indiquée dans des contextes particuliers (ex. : bébé prématuré) et pour laquelle on doit avoir le support d’un(e) nutritionniste pédiatrique si on souhaite la pratiquer.

 

 
Les parents n’ont pas besoin de nourrir bébé à la cuillère (un petit répit!)

 

 
Bébé est plus autonome, et l’ambiance au repas est plus détendue

 

Bien s’informer… et s’équiper !

Votre décision est prise : vous souhaitez amorcer la DME ! Comme tout bon parent, vous souhaitez tout savoir pour appliquer cette méthode dans les règles de l’art. Mais avant tout, assurez-vous que bébé démontre tous les signes d’un enfant prêt à consommer des aliments solides (peut rester assis à 90 degrés, faire signe de « non » avec la tête, porter les aliments à sa bouche…) Ensuite, tout comme pour les purées, équipez-vous d’une chaise haute confortable avec un grand plateau sur laquelle bébé pourra manipuler sa nourriture.

Chaque parent possède une tolérance variable à la malpropreté… Certains préfèrent laisser bébé s’amuser, et donner un bon coup de vadrouille sur le plancher à la fin des repas. D’autres préfèreront installer une grande nappe en plastique facilement nettoyable à la main ou dans la laveuse pour éviter de ramasser. Il existe également des plateaux en tissu lavable qui s’attachent à un tablier pour bébé. C’est la méthode ultime pour éviter de tacher les vêtements de votre marmiton. Ou peut-être êtes-vous du type lâcher-prise ? Bébé en couche sur sa chaise haute, puis hop, dans le bain pour le nettoyer. Dans tous les cas, il n’y a pas d’équipement miracle lorsqu’on souhaite amorcer la DME. Sur le marché, vous retrouverez toutes sortes d’ustensiles utiles et intéressants pour aider bébé à développer son autonomie, comme des verres miniatures en silicone ou des cuillères faciles à manipuler. Mais même avec la base et sans trop dépenser (une assiette en plastique, des ustensiles pour bébé et un gobelet) vous pouvez y arriver!

Les premiers pas de l’autonomie alimentaire

Une fois bien équipé et renseigné au sujet de l’alimentation autonome, vous êtes prêts à introduire les aliments solides. Voici des idées d’aliments à offrir à votre bébé selon son âge et sa progression.

*Attention de bien respecter l’introduction des allergènes (voir notre dossier à ce sujet).

Vers 6 mois

 

Bébé prend de gros morceaux d’aliments mous dans ses mains. Les aliments peuvent avoir la forme de bâtonnets, généralement plus long que votre petit doigt.

 –        Tranche d’avocat bien mûr

 

–        Banane roulée dans des céréales pour bébé riches en fer (les céréales facilitent la préhension)

–        Pilon de poulet bien cuit, sur l’os (attention de bien retirer les petits os)

–        Lanières d’omelette cuite avec un peu de lait pour ramollir l’œuf

–        Boulettes de viande hachée cuite avec jus de cuisson

–        Cuillère pré-remplie par le parent de gruau nature avec beurre d’arachides

–        Brocoli vapeur ou rôti, très mou

–        Biscuits mous ou gaufres maison

–        Une grosse pêche mûre, sans la peau

–        Cubes de tofu soyeux

 

 
Vers 7-8 mois

 

Bébé progresse et commence à manger des aliments un peu plus petits. Parfois il a des dents qui lui permettent de mieux croquer/mastiquer. Il peut gérer des textures plus complexes.

 –        Galette de poisson maison

 

–        Pâtes longues (ex. : penne bien cuits) avec sauce tomate sans sel

–        Lanière de rôtie aux grains entiers avec purée d’avocat écrasée comme tartinade

–        Galette de riz avec houmous maison

 

 

 
Vers 9-12 mois

 

Bébé commence à faire la « pince », et prend de petits aliments entre son pouce et son index. Il mange de plus en plus comme ses parents

 –        Pois verts cuits vapeur ou maïs en grains

 

–        Légumineuses en conserve, sans sel

–        Macaroni au fromage maison

–        Chili végétarien qu’il peut manger à la cuillère

–        Crêpe maison coupée en morceaux avec coulis de fraises maison sans sucre

 

La question des étouffements

Contrairement à la croyance populaire, les bébés qui pratiquent la DME ne sont pas plus à risque d’étouffements alimentaires (bien sûr, il faut s’assurer de les surveiller en tout temps et de leur offrir des aliments appropriés à leur âge). Au tout début du processus, vous vous apercevrez que votre bébé aura facilement des réflexes de vomissement (aussi appelé « réflexe GAG ») lorsqu’il aura des aliments dans sa bouche. C’est surprenant pour le parent, mais tout à fait normal et positif pour le bébé. Ce réflexe est là pour lui apprendre à bien mastiquer ses aliments avant de les avaler tout rond ! Mais il permet aussi d’éviter les étouffements. Un bébé qui présente des réflexes de vomissement pendant qu’il s’alimente est donc un bébé qui apprend à manger sécuritairement. Même les adultes possèdent un réflexe GAG ! Seulement, en vieillissant, la zone qui stimule l’arrivée de ce réflexe dans la bouche s’éloigne de plus en plus vers le fond. Voilà pourquoi la manifestation de ce réflexe s’atténuera chez votre bébé, au fur et à mesure qu’il grandira.

Pour réduire vos angoisses et intervenir correctement, nous vous suggérons fortement de mettre à jour vos connaissances avec un cours de premiers soins. Que vous fassiez ou pas la DME, ce sera tout aussi pratique!

Bon à savoir

Les aliments durs, ronds et collants sont inadaptés à bébé (ex. : tomate cerise entière, maïs soufflé).

N’introduisez pas votre doigt ou un aliment dans la bouche de votre bébé, au risque de pousser cet aliment au fond de sa gorge.

Si bébé s’étouffe, il n’émettra aucun son et deviendra bleu rapidement. Au contre, le réflexe de vomissement est bruyant (bébé tousse) et prouve que votre bébé gère bien la situation.

Plusieurs éléments dans l’environnement de bébé peuvent provoquer les étouffements, nonobstant le mode d’alimentation : un mauvais positionnement, une distraction (ex. : la télé en mangeant), des difficultés à mastiquer en raison d’un trouble moteur…

Avant d’offrir un aliment à bébé, mettez-le dans votre bouche et essayez de l’écraser entre votre palais et votre langue pour voir si la texture est adaptée. S’il s’écrase facilement, ça convient!

Autonome avec des purées ?

Peut-on offrir des purées à bébé tout en appliquant les principes de la DME ? La réponse est : oui ! C’est important de continuer à introduire des aliments entiers afin que votre petit ange continue d’apprivoiser différentes textures, mais c’est tout aussi primordial d’offrir des aliments à texture purée (après tout, il s’agit d’une texture comme une autre !) Lorsque bébé mange des purées, il vous faut également respecter l’idée-même de l’autonomie alimentaire : c’est lui qui contrôle l’arrivée de la purée dans sa bouche, pas vous ! Or, vous pouvez tout à fait offrir une purée de viande en remplissant vous-même une cuillère que vous déposez sur le plateau de bébé. Ou encore, vous pouvez utiliser d’autres aliments comme transporteurs (ex. : un brocoli vapeur trempé dans de la purée d’agneau, une frite de patate douce à tremper dans une purée de dinde, etc.) Il n’y a aucun problème à introduire des purées dans l’alimentation autonome, au contraire, les purées font partie de la découverte des textures alimentaires! Elles s’apparentent à un potage bien onctueux ou à du yogourt, par exemple.

D’autres idées pour offrir des purées pendant la DME :

  • Une purée de mangue peut servir de coulis sur des crêpes maison;
  • Des rôties peuvent être tartinées de purée de porc et parsemée de graines de chanvre;
  • Une purée de veau peut être mélangée à des pâtes cuites et des tomates en dés sans sel ajouté pour faire une sauce;
  • Ou tout simplement comme ça, dans une cuillère déposée sur le plateau que bébé pourra manipuler lui-même!

Attention : quelques précautions

Si certains parents sont portés à offrir des aliments solides vers 4 mois, il faut absolument attendre l’âge de 6 mois pour pratiquer l’alimentation autonome. Autrement dit, bébé doit se tenir bien droit, assis, et tenir sa tête. Il doit être capable de prendre un gros aliment dans sa main, et de l’apporter à sa bouche. Et comme dans l’introduction régulière des aliments solides, les aliments riches en fer sont à prioriser. Enfin, même si cela peut être tentant car vous êtes excités de le voir goûter à un aliment, il faut éviter à tout prix d’introduire un aliment dans la bouche de votre bébé. C’est lui qui doit gérer, et mener ! Enfin, la DME pourrait être contre-indiquée chez certains bébés, notamment ceux qui sont nés prématurément ou qui possèdent un frein de langue restrictif. Dans tous les cas, mieux vaut vous entourer d’une nutritionniste en pédiatrie avant d’adopter cette méthode.

Des ressources fiables